peinture

Lauréat 2022 de la Fondation Daniel & Nina Carasso x Cité internationale des Arts de Paris, RESILIENCE TRANS est une série de portraits sur bois à la feuille d’or, une représentation de corps transgenres manifestés, dont les peaux se confondent avec le matériau brut.

Ces dernières années, les vies transgenres ont été de plus en plus placées au centre des débats politiques et médiatiques. Ces histoires sont presque toujours dominées par des stéréotypes et, dans la plupart des cas, ne prennent pas en compte la voix des personnes concernées. De ce fait, les personnes trans sont rapidement devenues un nouveau type de bouc émissaire, soumis à des lois discriminatoires partout dans le monde : des centaines de personnes sont tuées chaque année et autant se suicident à cause de la transphobie.
En Occident, l’idée selon laquelle être trans est un effet de mode ou un mal du siècle s’est également répandue. Pour contrer cette idée fausse, la communauté LGBTQ+ célèbre de plus en plus ses ancêtres trans : nous avons toustes des ancêtres gender non-conforming, avec un nom et une histoire.

Le projet Résilience Trans de Jul Maroh vise à mettre en lumière ces vies. Jul Maroh a entamé sa transition de genre en 2018. Son processus créatif se développe depuis plus de dix ans, à travers différents projets narratifs, mais qui se chevauchent de manière perméable. Leur point commun est l’exploration du no man’s land qui existe dans nos vies entre l’intime et le collectif, cette zone de tension entre désirs personnels et attentes sociales. Ainsi, de son expérience trans est née en 2021 l’envie de créer une série de portraits : des icônes de l’histoire de la communauté LGBTQ+, déjà considérées comme des ancêtres, mais aussi des personnes trans vivantes : ancêtres pour les générations futures.
À travers ces portraits, surgit la problématique de la résilience dans la vie des personnes trans. Ici la résilience n’est pas présentée comme une suite d’actes de courage ou de souffrance, positifs ou négatifs, mais comme une réalité intrinsèque des vies trans au sein d’une société impérialiste et binaire.

Pour raconter cette expérience, l’artiste s’appuie sur la figure mythologique et hybride de Chiron – le guérisseur blessé – dont les attributs traversent toutes les peintures exposées : arcs, flèches, couronnes, cicatrices de chair opérée, sabots.
L’intention de cette série de portraits grand format (tous les tableaux mesurent 1m²), et de l’usage de codes symboliques, est de créer un récit qui ouvre de nouveaux champs d’expérience – qu’ils soient sensoriels, organiques ou politiques – pour qui les regarde. Il s’agit d’exposer à la fois la fragilité et la force de vies transgenres, souvent en marge de la société car leur incarnation remet en question les rôles binaires imposés.

Pour ce faire, l’artiste utilise divers médiums, dont la peinture acrylique, les crayons gras et la feuille d’or : à l’instar de la technique du kintsugi au Japon, son objectif symbolique est de restaurer la dignité et la sacralité de ces subjectivités, tout comme de panser leurs blessures avec des bandages d’or.

Ce projet ayant reçu le soutien de la Cité internationale des arts de Paris et de la Fondation Daniel & Nina Carasso en 2022, Jul Maroh a pu le pousser vers d’autres champs d’expression lors de sa résidence à la Cité. Par exemple, à l’occasion de la semaine du TDOR (Trans Day Of Remembrance), iel a guidé un rituel collectif pour le public au milieu des tableaux exposés, lors d’un des fameux open studios de la structure.

Durant cette cérémonie, et en suivant la voix de l’artiste à travers un voyage intérieur collectif, les personnes présentes ont pu honorer l’un.e de leurs ancêtres transgenres et invoquer la résilience, au cœur du projet, par des gestes et des récitations symboliques. L’installation dans l’atelier – avec miroir, poème, objets liés à la figure du centaure Chiron – facilitait une expérience de recueillement et de connexion avec des parties blessées de soi suscitées par le patriarcat et les normes sociales imposées.

Ces notions de sacralité ont pu être développées davantage en 2024 lors du premier solo show du projet pendant le festival culturel Gender Bender et le festival Ad Occhi Aperti, où Jul Maroh et les équipes présentes firent du lieu un temple de douceur et de puissance, pour ces vies trans en marge des normes.